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Article d’actualité :

Enquête beaux-arts magazine (édition 1)

Avr 20, 2020

« J’aime réveiller la joie de penser à des possibilités, à ce qui pourrait-être », confie l’artiste allemande Cornelia Konrads. Jusqu’où ira-t-on si l’on emprunte l’énigmatique chemin crée dans le parc du domaine de Chaumont-Sur-Loire ?

Comment les artistes réinventent les jardins ?

Retranscription journalistique, enquête des beaux-arts magazine

Le nom de ces jardins s’écrit en italique, à l’instar des titres d’œuvre d’art. Normal : ceux-ci ont poussé dans le meilleur terreau, composé par des plasticiens, scientifiques et architectes-paysagistes conscients que les espaces verts révèlent désormais de la politique, de la philosophie et de l’urgence de vivre en bonne intelligence avec la nature.

« C’est la plus petite parcelle du monde et puis c’est la totalité du monde.» Ainsi Michel Foucault définissait-il le jardin en 1967. Au même rythme que le monde, le jardin change. Il a longtemps été le lieu de la domination de la nature, l’homme essayant de faire adopter raison à cette insensée. Celle que l’on croyait insensée, en tout cas. Mais la nature, soumise à ce joug qui la mène à l’anéantissement, s’est révoltée. Elle s’est avérée, aussi, d’après les études les plus récentes de la biologie, bien plus intelligente et sensible qu’on ne la pensait. Les jardins contemporains reflètent ces nouveaux enjeux: en cette ère géologique de l’anthropocène, qui caractérise une Terre violemment endommagée par l’Homo (soi-disant) sapiens, paysagistes et plasticiens s’emparent de ces questions. Selon Emma Lavigne, commissaire de l’exposition « Jardin infini » au Centre Pompidou-Metz en 2017, «la modernité a évacué de son champ la sensibilité du jardin, pour lui préférer la rationalité et l’hygiénisme de l’espace vert. C’est pourquoi les artistes d’aujourd’hui s’en emparent avec une grande licence. Pour eux, il devient un lieu d’obsession, de greffes et d’hybridation, de singularité et de résistance, un espace où toutes les folies sont possibles ». Beaux-Arts a enquêté sur les jardins de demain : seront-ils les paysages autonomes d’un monde sans l’homme, ou les objets d’une prise de conscience citoyenne? Aux yeux de Guy Tortosa, commissaire d’expositions passionné de cette problématique, le jardin ajoute en tout cas « une dimension à l’art du vivre-ensemble que devrait favoriser et cultiver toute politique. C’est une res publica qui intègre le vivant non humain. Et comme toute chose publique, c’est aussi un work in progress à proprement parler infini ». E. L.

Le jardin politique, ouvert aux flux et aux vents

Laisser le champ libre à la nature pour envisager un jardin non clos, pensé à échelle planétaire, fait de métissages et de mutations, favorable à la circulation des espèces, des idées et des hommes… Faisant rimer botanique et politique, les plasticiens ont fait du jardin le domaine de leurs aspirations profondes. En prise directe avec les tragédies contemporaines, écologiques, économiques et sociales, l’espace vert devient la métaphore d’une société qui doit se remettre en question si elle veut regarder vers l’avenir.

Gilles Clément, partisan du Tiers-Paysage
Lois Weinberger cultive des terres d’accueil pour mauvaises herbes

C’est l’histoire des dodos et des dindons. Une de ces fables dont raffole Gilles Clément pour prouver que la nature est en perpétuel mouvement. « Quand les dodos ont disparu, raconte-t-il, une plante endémique de Madagascar a été menacée de disparition. Ses graines parvenaient à maturation dans l’estomac de ces drôles d’oiseaux, qui les amollissaient et les aidaient à germer. Quelqu’un a donc eu l’idée d’implanter des dindons à la place. Et ça a marché… » Preuve que nulle nature n’est immuable, mais est l’enfant de mille mutations, de folles migrations, héritier des flux et des vents. Bien avant de devenir le roi des paysagistes, Gilles Clément en a pris son parti politique. Dès les années 1970, il a ainsi mis en pratique la notion de Tiers-Paysage, une terre d’accueil à toutes les graines réfugiées, semées par les vents. Tout jardin naît « d’un brassage: les êtres se rencontrent, naturellement (grâce au vent), et surtout par le biais de l’homme, qui les transporte involontairement. Certes, cette rencontre peut mettre en péril les diversités. Une plante prend, parfois, la place d’une autre. Mais je veux montrer que cette notion a quelque chose de positif ». Et si, « ensemble, nous décidions que la Terre est un seul et petit jardin »? Pour transmettre son savoir, il a créé l’École du jardin planétaire, avec deux antennes, à Viry-Châtillon (Essonne) et à Saint Pierre (La Réunion), histoire de faire grandir les consciences dans; un humus nourrissant. Car pour ce citoyen du monde, « le terme « jardinage » est bien trop littéral. Il s’agit plutôt de développer une manière de voir le monde. On jardine car on espère. Le jardin est le seul lieu de rencontre de l’homme avec la nature où le songe et l’utopie lui soient autorisés ». E. L.

Gilles Clément, Jardin des Méditerranées, 1989.
Dans le monde merveilleux de Gilles Clément, ici en plein cœur du domaine de Rayol, face aux iles d’Hyères (Var), le flâneur se transforme en véritable explorateur botaniste.
Lois Weinberger, What is Beyond Plants is at One with Them
Cassant les codes du paysagisme, l’artiste a érigé en modèle les « mauvaises herbes ». Ici à la Documenta 10 de Kassel, en Allemagne, avec des espèces venues du sud de l’Europe.
Gilles Clément Jardin du Tiers-Paysage, 2009.
Le Jardin du Tiers-Paysage, ici conçu pour la base maritime de Saint-Nazaire, a été pensé comme « un lieu de résistance » où peut s’épanouir de façon naturelle la diversité écologique de l’estuaire.

« La manière dont une société traite ses plantes est le reflet d’elle-même. » Paraphrasant Gandhi (« On reconnait le degré de civilisation d’un peuple à la manière dont il traite ses animaux ».). L’artiste autrichien Lois Weinberger a développé sa pratique autour de la végétation spontanée, celle qui pousse de façon anarchique sur les trottoirs, en bord de route, dans les zones habitées ou désaffectées, décharges, terrains vagues… Bravant les conditions difficiles de leur environnement, ces plantes rudérales ont mauvaise réputation : ce sont des intruses inspirant la peur et le rejet, et qui n’ont pas leur place dans une nature domestiquée. Elles symbolisent les marginaux, les indésirables el les laissés-pour-compte ; le sauvage opposé au cultivé. Éminemment métaphorique, l’œuvre de Weinberger fait de la société des plantes le miroir de celle des individus, interrogeant les processus d’hybridation, de colonisation, les problématiques migratoire el identitaire. En 1997 déjà, pour la Documenta de Kassel, il avait planté sur 100 mètres de voie ferrée des espèces néophytes du sud et du sud-est de l’Europe, précisant que « traiter ce qui est étranger, la notion de territoire et le nationalisme, [était] implicite dans [son] travail ». Depuis, il sème ses « mauvaises » graines où bon lui semble, n’hésitant pas à casser l’asphalte qui les étouffe ou à les protéger dans son Wild Cube d’acier (comme l’automne dernier au Frac Franche-Comté), un espace où la végétation sauvage peut se développer librement sans craindre les assauts répétés de ceux qui prétendent avoir la main verte. D. B.

Plus de rêveries ni même de promeneurs au parc Jean-Jacques Rousseau

Le superbe parc Jean-Jacques Rousseau d’Ermenonville, où le philosophe séjourna durant les six dernières semaines de sa vie, est aujourd’hui fermé au public. Que s’est-il passé ? Un changement radical de position du Département de l’Oise, propriétaire de ce merveilleux jardin à fabriques, caractéristiques du XVIII° siècle. Depuis six ans, sa directrice, Corinne Charpentier, en avait fait un lieu de vie et d’expériences créatives, éclairant cette merveille des Lumières d’un regard contemporain. Il semblerait que la tutelle départementale souhaite un changement de cap. L’homme d’affaires Antoine Haswani, qui a acquis récemment le château adjacent, a annoncé à la presse vouloir le transformer en « forêt magique », avec sons et lumières mis en scène par le fameux Cirque du soleil. Cette annonce faite avant que tout appel d’offres n’ait été lancé scandalise le milieu des plasticiens et chorégraphes, qui s’était approprié le site. Création ou loisirs, laboratoire d’idées ou parc à thèmes ? Tout dépendra de la conception qu’a le Département du contrat social. En attendant, faute de perspectives claires, le parc a fermé ses portes. E. L.

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